Droit d'inventaire ou petits bouts de réel

Un trou, deux trous, trois trous, c’est une fille
Une chape, deux plombs, trois bouches cousues
Un rien, deux riens, moins que rien, je ne vaux rien
Un veau, deux riens, quel est ce vaurien ?
Dans le même sac, je suis
Une petite vérole, une punaise, une vermine
Une purge, une engeance, une saloperie
Un moindre mot, une saleté
Et une Marie-lève-ta-queue
Une secret-taire, un chauffeur de chaudière, une veilleuse de nuit
Trois fonctionnaires, un mois auguste, une immaculée conception
Un Pater, deux Mater et trois Ave
La mauvaise graine ça s’accroche
Une pomme d’Adam, une petite Eve, un fruit défendu
Un chaud lapin, deux vers solitaires, trois sauterelles
Un petit oiseau, à la volette, une volée de bois vert
Une madeleine de rouste, tu ne l’as pas volé
Et deux Marie-lève-ta-queue
Une grappe de raisin à poils, un long jet, des grumeaux
Un trop de peau, des coins et des recoins
Un gros grain, une saucée, je suis trempée
C’est pas la mère à boire
Un manteau rouge, deux lèvres cramoisies, huit ans
La bouche pleine, une bouche dégoût, un tout-à-l’égout
Tout a le goût, tout a l’odeur, qui ne dit mot qu’on sent
Haut-le-cœur, le tapioca n’a pas d’odeur
Et trois Marie-lève-ta-queue
Un camion de fonds blindé, des bijoux de famille
Trois malfaiteurs, deux mains en l’air, un chien de fusil
Un trou de balle, une arme à double tranchant
Menaces de mort et petite mort, viols par effraction
Une gauloise, deux gitanes, trois cigarillos
Un kil de rouge, deux demis, trois boulets de canon
Une pine sans art, deux culs de bouteille, deux yeux globuleux
Un regard démonté, une sortie d’orbite, un glauque homme
Et quatre Marie-lève-ta-queue
Une pucelle à Domrémy, les anglais qui débarquent, mauvais sang de bon soir
Des bricoles, un daddy bricoleur, une pisseuse dévisseuse
Des WC à la turque, un froid de canard, deux braséros
Jeanne revenons-en à nos moutons, un mouton à cinq pattes
Une fille de joie, une Marie-couche-toi-là, des traînées d’étoiles
Un bord d’aile, une maison de tolérance, trois tours de passe-passe
Un pied à prendre, au pied de la lettre, un aime avec trois jambes
Six pieds sous taire, arrête avec ça, je ne veux pas t’entendre
Et cinq Marie-lève-ta-queue
Un coucou suisse, une demoiselle sur une balançoire
Un sale quart d’heure, minute papillon
Douze coups de minuit, un coup dur
Tu ne vas pas nous en chier une pendule
Un saint Louis, deux boules de buis béni, trois pêchers
Une plante de pied, deux branches tordues
Une tige verte, un vertige, quelle queue !
Tu ne te rendras compte de rien
Et six Marie-lève-ta-queue
Une pièce montée, un service trois pièces, un fait-tout
Un gant violet, trois savons, tu me bassines avec ça
Une pipette, deux tubes à essai, vingt centimètres
Une petite pipe, les dés sont pipés, ne piper mot
Une fois sur l’autre, un contorsionniste, une espadrille, un drôle de drille
L’un dans l’autre, un porc, une poupée désarticulée, une tête en porcelaine
Un pelotage de laine, deux mailles à l’endroit, trois mailles à l’envers
Un corps qui pend, la tête d’un côté, le corps de l’autre
Et sept Marie-lève-ta-queue
Un piano à touches, deux corps de chasse
Un violon sur le toi, une viole en contrebas
Une portée, deux silences pointés, trois bémols
Mi-mi-la-ré-do-si, raide morte, tu n’en mourras pas
Des terres minées, des silences explosifs, une bombe à retardement
Des mots croisés, deux boussoles détraquées, une bite pour amarrage
Un suicide à larmes blanches, une folle alliée, chute !
Comme si de rien était, un zeste de citron, inceste de folie.
Tu l’as échappé belle Marie !
Mais c’est aussi de là que tu écoutes
La psychanalyse est passée par là
Et repassée par là.
Près d’un jardin d’hiver
Comme ça
A fleur de sensations
Le cul entre deux chaises
Entre désir et tentation
Les lèvres au bord des mots
Les mots n’ont plus le goût des choses
Et les rides sont riches
Couleurs d’une liberté réinventée.
© photos et texte Marie-Christine ADAM
27.04.2019
Trois ans plus tôt, paru chez l'Harmattan
